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Points-relais, consignes, livraison hors domicile : des solutions miracles pour les e-commerçants ?

3 septembre 2021 Alexandre Vienney

Le e-commerce, eldorado de nombreux distributeurs, est souvent un casse-tête logistique : retours, destinataire absent, délais de livraison resserrés… Ces problèmes, pour beaucoup, sont liés à la livraison à domicile. Or, des options alternatives existent, et comportent à première vue de nombreux avantages. Qu’en est-il vraiment ?

Partons d’abord d’un simple constat : la livraison à domicile demeure largement la norme et, pourtant, elle est porteuse d’un certain nombre de complexités. Au premier rang de ces difficultés, on trouve l’incertitude planant autour de la présence du destinataire. En effet, pour une livraison standard menée en 2 à 3 jours ouvrés, il n’y a aucune garantie de le trouver à son domicile – ni même, parfois, de trouver le domicile… On estime que 10 à 40% des premières livraisons sont en échec. De fait, une relivraison doit être programmée, ce qui entraîne des coûts supplémentaires – sans compter l’insatisfaction du client et les émissions de gaz à effet de serre supplémentaires.

Outre ce sujet, les flux de livraison à domicile sont, comparativement aux flux de transport B2B, peu optimisables par nature : ils sont irréguliers, imprévisibles et les destinataires finaux varient d’un jour à l’autre. Dès lors, le e-commerce doit-il nécessairement être synonyme de coûts de transport élevés et d’importants rejets de GES ?

En réalité, la livraison à domicile n’est bien entendu pas la seule option de livraison disponible, et ce depuis longtemps. Les points relais, les consignes de livraison constituent une alternative solidement installée et qui, théoriquement, résout une partie des problèmes posés par la livraison à domicile. Alors, la livraison hors domicile est-elle une solution miracle ou une simple alternative vouée à demeurer secondaire ? Nous vous proposons de passer en revue 3 arguments employés par les spécialistes du point-relais ou de la consigne afin de démêler le vrai du faux.

Argument n°1 : Les consommateurs recherchent la praticité et un faible coût : la livraison hors-domicile aura leur faveur !

Incontestablement, la praticité est un critère de choix pour un client au moment de choisir son option de livraison, et surtout au moment de prendre la décision d’acheter  !  A priori, la livraison à domicile est l’option la plus pratique, sauf quand le colis ne rentre pas dans la boîte aux lettres. Dès lors, la livraison hors-domicile a de nombreux atouts à faire valoir, au premier rang desquels la possibilité d’aller chercher son colis au moment de son choix. Le consommateur peut récupérer sa commande en allant faire ses courses, en allant ou en revenant du travail, mutualisant ainsi ses déplacements.

A l’opposé, il n’a pas à subir les affres d’une date et heure de livraison incertaine, l’obligeant à poser un jour de congé, à solliciter un télétravail, tout cela sans garantie que la commande arrive au moment prévu. Bien sûr, la livraison à domicile propose un certain nombre d’options permettant de préciser la date et l’heure de réception (créneaux de RDV, livraison en moins de 24h…) mais celles-ci sont généralement payantes : le point-relais demeure l’option de référence pour combiner praticité et gratuité.

A ce postulat, il faut néanmoins opposer quelques réserves. Tout d’abord, en dépit de leur praticité, la livraison hors domicile n’est, tout simplement, pas l’option la plus favorisée par les consommateurs. A l’exception de quelques pays (Finlande, Russie, Pologne…), la livraison à domicile est largement le mode de livraison favorisé par les consommateurs.

On pourrait objecter qu’il y a effectivement un travail d’évangélisation à mener, que les infrastructures prennent du temps à se développer, mais que le potentiel est là. C’est sans doute vrai pour certains marchés, mais il faut toute de même souligner que la livraison hors domicile ne date pas d’aujourd’hui et qu’elle peine encore à s’imposer dans nombre de ses bastions historiques. L’Allemagne, par exemple, est considéré comme un pays pionnier de la consigne de colis et dispose d’un des réseaux les plus étendus au monde. Pourtant, la livraison à domicile demeure encore l’option plébiscitée par les Allemands.

Argument n°2 : La livraison hors-domicile maximise les possibilités d’optimisation du transport, et permet donc de limiter les pertes financières.

La livraison est le plus souvent un gouffre financier pour les e-commerçants – une livraison de petit colis à domicile coûte 5 à 10 fois plus cher que l’acheminement du même produit en magasin. Or, le secteur étant fortement concurrentiel et les consommateurs n’étant absolument pas prêts à payer le « vrai » prix de la préparation, de l’acheminement et de la distribution de leur colis, les marchands ne répercutent pas le coût et proposent le plus souvent la livraison à perte. Ces pertes créent bien sûr des inégalités profondes entre entreprises, tout le monde ne pouvant pas se permettre la saignée financière que s’inflige Amazon sur le sujet.

Dans ce contexte, la livraison hors-domicile doit pouvoir réduire le coût de la livraison supporté par les entreprises de e-commerce. En effet, en premier lieu, elle offre davantage de possibilités d’optimisation. Le délai de livraison étant généralement plus étendu qu’en livraison à domicile – du moins pour les options les plus rapides – il est alors possible de mieux consolider les expéditions en amont, permettant ainsi d’améliorer le remplissage des véhicules et donc de réduire la facture.

A la distribution, le fait de livrer des points fixes plutôt que des adresses variables doit également permettre d’optimiser les tournées et de limiter les déplacements du livreur hors de son véhicule, permettant là aussi des gains de productivité et donc, in fine, une réduction de la dépense. Dans la même logique, le livreur doit pouvoir déposer l’équivalent de plusieurs livraisons dans une même consigne ou un même point relais. Par ailleurs, comme nous l’avions évoqué plus tôt, la limitation du nombre de relivraisons liées à l’absence du destinataire entraîne très logiquement une diminution de la dépense.

Cette dernière n’est toutefois, en pratique, pas forcément automatique. A vrai dire, cela dépend d’un nombre de facteurs très important, allant de l’étendue du maillage en termes de points de retraits au coût de la livraison à domicile, très variable d’un pays à l’autre. Ensuite, le coût des infrastructures, dans le cas des consignes par exemple, n’est pas neutre.

Cela dépend aussi, à l’évidence, de la politique tarifaire du transporteur, qui peut parfaitement être tenté de ne pas entièrement répercuter cette réduction des coûts dans ses tarifs. Ainsi, en fonction des pays, les différences tarifaires observées avec la livraison à domicile peuvent être significatives – plus de 20% – comme décevantes – moins de 10 voire moins de 5%. Il y a enfin, évidemment, une problématique de volumes : la livraison hors domicile n’étant pas l’option la plus populaire, les volumes sont-ils suffisants pour générer des économies d’échelle significatives ?

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Argument n°3 : La livraison hors-domicile est bonne pour le climat et permet de réduire considérablement les émissions de GES de la livraison.

On sait qu’en matière de transport de marchandises, les optimisations économiques reposant sur des leviers techniques sont souvent synonymes de réduction des émissions de GES. Aussi, toutes les améliorations évoquées dans la partie précédente s’appliquent ici aussi : des expéditions davantage consolidées, des tournées de livraison rationnalisées et stabilisées et surtout un taux de retour largement amoindri. Ces retours, d’ailleurs, bénéficient également de tournées d’enlèvement optimisées. Aussi, la livraison hors domicile serait donc une alternative particulièrement positive pour la planète.

Toutefois, là encore, l’efficacité du point de retrait, qu’il soit un commerce ou une consigne, dépend encore largement de la qualité du maillage. En effet, en cœur de ville, le point de retrait est extrêmement pertinent en cas de maillage suffisant, car les déplacements pour récupérer le colis seront faits en vélo, à pieds ou en transport en commun. Au contraire, dans une ville faiblement dotée en offre de transport alternatif, ou en milieu périurbain ou rural, le bilan ne sera pas forcément aussi reluisant, les trajets s’effectuant alors majoritairement en véhicule thermique individuel. Or, un trajet individuel en voiture sera bien plus émetteur d’émissions de GES qu’une tournée de livraison, même sous-optimisée.

Aussi, le point de retrait ne serait avantageux du point de vue climatique que sous certaines conditions qui incluent impérativement un environnement où les déplacements individuels sont très majoritairement peu émetteurs de GES. Un constat à nuancer, car les déplacements pour retirer un colis peuvent très bien être inclus à des déplacements qui auraient de toute façon eu lieu – courses, loisirs etc… Enfin, les véhicules individuels sont largement moins polluants que les véhicules de livraison – dans des proportions bien supérieures à la différence de niveau d’émissions de GES entre les deux. Aussi, le point retrait sera pertinent pour lutter contre la pollution de l’air dans bien d’autres cas de figure que ceux où il est efficace pour limiter le réchauffement climatique.

La livraison hors domicile : une solution complémentaire plus qu’une alternative ?

Il est incontestable que la livraison hors domicile a de nombreuses vertus comparativement à la « classique » livraison à domicile. Elle peut être moins chère, moins émettrice et mieux correspondre aux attentes des clients. Elle le peut, car son efficacité est soumise à conditions.

En termes d’expéditions, elle est un peu coincée : dans le cas de petits-colis, la livraison à domicile reste l’option la plus pratique. Dans le cas d’objets encombrants, elle perd de sa pertinence – même si des initiatives intéressantes, comme Agrikolis en milieu rural, existent. Reste un entre-deux qui semble être son espace de développement logique. Les bénéfices économiques et environnementaux dépendent énormément du pays, voire même de la région où la livraison a lieu. Les réseaux de consignes sont encore sous-développés par endroits et, ailleurs, ceux de points-relais peuvent être au contraire « surdéveloppés », dans le sens où leur croissance tentaculaire n’est pas toujours accompagnée d’informations fiables à destination du consommateur.

Le paysage n’est de toute façon pas fixe : d’une part, les réseaux continuent à se développer, intensifiant le maillage et donc les bénéfices potentiels. Mais, d’autre part, l’essor du télétravail avec les divers confinements pourrait bien rendre la livraison à domicile encore plus attrayante pour les consommateurs. A moins que, par souci écologique, les pouvoirs publics ne changent la donne ?