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Transporteurs : quels services digitaux attendent vos clients ? (2/2)

8 juin 2021 Luc Chambonnière

La digitalisation du transport de marchandises a fortement fait évoluer les attentes des chargeurs, par exemple en matière de traçabilité ou de dématérialisation documentaire. Les prestataires de transport doivent prendre les devants face à cette nouvelle donne : alors, quels services digitaux privilégier ?

3- Simplification et clarification de la facturation

Si le transport de marchandises est un secteur complexe, que dire de sa facturation ? Le plus souvent produite mensuellement, elle peut comporter plusieurs centaines, voire milliers de lignes. A cela il convient d’ajouter les diverses exceptions aux tarifs de base et notamment les surcoûts qui font régulièrement l’objet de débats entre prestataires et donneurs d’ordres. Outrageusement compliquées à traiter et à analyser, les factures transport sont souvent source de doute, voire de tensions, et peuvent polluer durablement la relation commerciale entre un transporteur et son client. Le mythe du « surcoût SCPCP » (« si ça passe ça passe ») a la vie dure – et parfois un petit fond de vérité.

De plus en plus, les donneurs d’ordres se dotent de solutions de contrôle automatisé de la facturation transport – c’est déjà la norme outre-Atlantique. Longtemps, l’audit de ces dépenses a été mis de côté, au grand mécontentement des contrôleurs de gestion et des auditeurs. Cette période de latitude, voire de laxisme, arrive à son terme. Néanmoins, en termes de relation client, il serait extrêmement intéressant pour les transporteurs de prendre les devants. Mieux structurer et organiser les factures serait déjà un grand pas en avant, car cela permettrait au client de mieux comprendre ses coûts. Utiliser des outils de business intelligence ou autres solutions dédiées à la visualisation de données pourrait permettre de communiquer au client des factures transparentes et analysables, ce qui aurait pour lui une immense valeur ajoutée.

4- L’empreinte carbone

Les donneurs d’ordres s’intéressent de plus en plus à l’impact écologique de leurs activités et le transport ne fait pas exception. Le développement de plus en plus large d’une conscience écologique qui se traduit en acte – d’achat – chez les consommateurs rend cette évolution inévitable, ainsi qu’une législation de plus en plus contraignante. Les transporteurs sont évidemment concernés au premier chef, puisque la loi les oblige à remonter à leurs clients chargeurs les émissions provoquées par les prestations effectuées en leur nom. Mais, pour être très direct, les critères à prendre en compte pour respecter la loi sont peu exigeants, tant en termes de qualité et de précision du calcul que d’échelle. Autrement dit, un transporteur peut se contenter de remonter une information très théorique, calculée sur la base de valeur par défaut forcément approximatives, pour l’ensemble des expéditions traitées sur un mois et l’afficher sur la facture.

La loi est respectée mais que peut faire le client de cette information ? Pas grand-chose. Il faut aller au-delà pour apporter de la valeur, et penser la chose comme un service, et non comme une obligation. La première étape est d’apporter une visibilité sur les émissions à minima à l’expédition, voire à l’unité d’œuvre. L’intérêt pour le donneur d’ordres de disposer de ce type d’information ? Identifier les lignes les plus émettrices afin de prioriser ses actions par exemple. Les chargeurs commencent seulement à s’engager sérieusement dans la voie de la décarbonation du fret : le marché est difficilement lisible et ils sont souvent perdus. Les prestataires ont énormément à gagner à prendre l’initiative !

5- Et demain ?

Tous les sujets évoqués précédemment sont porteurs d’enjeux à assez court terme : les donneurs d’ordres attendent, déjà, ces services complémentaires de la part de leurs transporteurs. Mais la technologie et les attentes bougent vite. De nouvelles possibilités émergent et certaines sont déjà matures techniquement : il ne reste pas beaucoup de temps avant que les exigences liées deviennent systématiques ! D’autres sont à des horizons plus lointains, mais les anticiper fait partie du travail de veille et de prospective que tous les transporteurs sont amenés à effectuer.

La tarification dynamique – ou yield management – est une piste qui serait très intéressante à explorer pour les transporteurs : en effet, le métier est souvent fait de périodes de creux et de pics. Cela constitue à priori un terrain de jeu idéal pour ce mode de fixation des prix, à l’instar de ce qui peut se faire sur le marché des VTC ou des billets d’avion. Le transporteur proposerait ainsi une incitation à ses clients, qui lui permettrait de mieux lisser les volumes en période de charge excessive ou insuffisante, et ainsi de limiter l’impact respectif sur la saturation des moyens ou la rentabilité. Mais qu’a le client à gagner avec un tel système ? Ce yield management doit s’accompagner de transparence, mais surtout générer des propositions : le prestataire pourrait par exemple systématiquement proposer le « meilleur » créneau disponible à ses clients, en particulier lors des pics d’activité. La tarification dynamique est à notre sens une évolution très probable, et certaines plateformes d’intermédiation ont déjà tenté, sans trop de succès, de s’approprier le sujet. Les transporteurs ont une occasion à saisir dès maintenant !

D’autres évolutions pourraient être encore plus structurantes, et impliqueraient des changements importants dans la façon dont le transporteur se positionne vis-à-vis des donneurs d’ordres. Comprenons-nous bien, nous parlons ici d’évolutions à long terme ! Par exemple, un prestataire pourrait, dans certains cas, déléguer une partie de ses prérogatives, comme sur la gestion de sa flotte ou de ses tournées. Il proposerait ainsi plusieurs possibilités au donneur d’ordres en termes de choix de véhicule ou de trajet tout en lui donnant une visibilité sur l’impact lié : émissions de GES, volumes, délais… En e-commerce, la prise de rendez-vous pour une livraison pourrait là encore être délégué au site marchand, qui pourrait ainsi rester le seul interlocuteur direct avec son client.

En bref, les possibilités technologiques et le modèle Amazon ont transformé les attentes des donneurs d’ordres. Le marché est en ébullition. Toutes les idées ne sont pas bonnes à prendre, toutes les innovations ne sont pas non plus à adopter, mais il n’est pas envisageable de continuer à l’identique. Les services digitaux proposés par les transporteurs à leurs clients seront l’élément de différenciation clé de demain.