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Les success fees pour réduire les coûts de transport ? Quelques erreurs à éviter.

5 mai 2021 Xavier Villetard

En période de crise, les entreprises sont soumises à une injonction contradictoire : il faut réduire les coûts, mais cela implique des transformations elles-mêmes coûteuses. Dès lors, une démarche au variable devient tentante, celle-ci conditionnant les honoraires à des économies. Toutefois, prudence : le succès de ces projets est soumis à conditions.

Dans le transport de marchandises en particulier, le sujet doit être abordé avec précaution. Le potentiel est immense : selon notre expérience, un tel projet permet de générer en moyenne 7% d’économies sur la dépense transport et, dans certains cas, jusqu’à 35% ! Par ailleurs, il est tout à fait possible de réaliser ces économies tout en améliorant l’organisation pour répondre à d’autres grands enjeux – environnement, e-commerce… Mais des précautions doivent être prises.

1-Travailler avec des cost-killers

Le success fee n’a pas toujours une excellente réputation. En effet, il est souvent perçu comme une démarche très agressive de cost-killing, reposant entièrement sur le levier tarifaire. Particulièrement portée par des cabinets de conseil spécialisés dans les achats, la philosophie de cette approche est pourtant vouée à l’échec en ce qui concerne le transport : pourquoi ? Autant dire les choses simplement : prendre à la gorge les prestataires avec des tarifications trop agressives ne fonctionne pas. Le transport est un secteur où les marges sont généralement faibles et les entreprises fragiles. La crise actuelle les rend particulièrement vulnérables. Mais ce n’est pas qu’une question d’éthique.

Certes, le déficit de capacité s’est momentanément résorbé. Mais c’est l’atonie de l’économie qui explique ce retournement : les problèmes de fond, et notamment la pénurie de conducteurs, n’ont pas été résolus. Contraint par les circonstances, un transporteur peut effectivement accepter des tarifs particulièrement bas. Mais cette situation ne durera pas et, à la première occasion, il pliera bagages : pas question pour lui de perdre de l’argent en travaillant pour un chargeur qui aura trop tiré profit d’un rapport de force favorable. Au mieux, en cas de tension sur la capacité, il dépriorisera des expéditions au bénéfice de donneurs d’ordres à la politique tarifaire plus élégante.

A cela, il faut ajouter les potentiels effets de bord sur la qualité de service. Le transport n’est plus une commodité. Le respect de la promesse client en livraison est devenu essentiel : les retards, les annulations sont, à la longue, autant de motifs de rupture de contrat. Le sacrifier au moins-disant tarifaire, c’est prendre le risque direct de perdre un client.

Dès lors, le cost-killing ne diminue la dépense qu’à court-terme. Les perturbations provoquées par l’inévitable – et légitime – désengagement des prestataires étranglés auront des effets de bord importants : flux désorganisés, recours plus récurrent au spot, pertes de clients… Les économies réalisées sur les tarifs s’évaporeront au bout de quelques mois.

Conseil numéro 1 : protégez la relation avec vos transporteurs, et misez sur des contrats justes sur du long-terme. C’est un investissement gagnant, vous vous y retrouverez.

Conseil numéro 2 : rémunérez les économies réalisées sur la durée, pour éviter que votre prestataire ne vous propose des solutions court-termistes.

2-Ne se concentrer que sur les achats

C’est un corollaire du point précédent. Même activés raisonnablement, les leviers achats ne suffisent pas toujours à obtenir des économies viables. In fine, la pérennité des contrats négociés ou renégociés sera toujours en partie conditionnée à l’évolution de la conjoncture. Une démarche de success fees réussie, si elle inclue toujours nécessairement une bonne part de leviers achats, agit également sur les axes techniques et organisationnels.

Les leviers techniques (optimisation du remplissage via un travail sur les supports de manutention, diminution des kilomètres parcourues via un changement du plan de transport…) permettent d’améliorer fondamentalement la performance du transport tout en réduisant son coût. Ces leviers ont aussi l’avantage d’entraîner très régulièrement une réduction des émissions de gaz à effet de serre.

L’organisation du service transport est également largement pourvoyeuses d’économies potentielles : synergies à exploiter, doublons, silos entre business units… En bref, en plus de réduire les coûts, ces leviers sont également créateur de valeur via la productivité notamment.

De manière générale, le transport est un secteur extrêmement complexe. Beaucoup de spécialistes des achats, de fait, se cassent les dents sur la gestion d’un appel d’offres transport ou, le plus souvent, sur les effets de bord intervenant après coup. Dans ce dernier cas, on découvre alors le plus souvent que les choix faits lors de l’appel d’offres n’avaient tout simplement aucun sens d’un point de vue opérationnel.

L’exercice de l’appel d’offres est donc déjà assez délicat… Et pourtant il ne suffit pas. Autrement dit, sans véritable expertise transport, un projet de réduction des coûts sera voué à n’agir que sur un seul volet et, en plus, de façon suboptimale.

Conseil numéro 3 : assurez-vous que le projet intègre des spécialistes du transport. Cela vous permet de valider la pertinence opérationnelle des leviers achats, mais surtout de travailler sur d’autres axes, plus durables, d’économies.

3-Se priver de la prise de décision

Une démarche aux success fees peut, en principe, créer un conflit d’intérêt entre le client et son prestataire. En effet, ce dernier se rémunérant sur les économies que permettront le projet, il pourrait être tenté de promouvoir des leviers fortement générateur d’économies, mais pas forcément adaptés à vos enjeux et votre organisation.

Cette divergence d’intérêts apparaît souvent lorsque le projet aux success fees comporte un diagnostic gratuit : les économies sont dès lors le seul espoir de rémunération du prestataire.

Conseil numéro 4 : assurez-vous contractuellement de demeurer entièrement libre de vos décisions lors du projet.

4-Laisser le flou régner sur les économies

C’est sans doute la chose la plus importante à prendre en compte : la plus grande difficulté des projets aux success fees a généralement trait à la nature des économies sur lesquelles le prestataire se rémunère.

En effet, le calcul des économies – et donc de la rémunération – est souvent un point d’achoppement entre le donneur d’ordres et le consultant. Il faut dire que celui-ci est complexe à produire et encore davantage à vérifier. Dans certains cas, les économies calculées ne sont que simulées, ce qui empêche le client de s’assurer de l’efficacité réelle de la démarche. Dans d’autres, le calcul de ce qui doit représenter le total des gains réalisés va faire l’objet de débats tendus.

Heureusement, en matière de transport, il n’est pas nécessaire de rentrer dans cette logique de confrontation. En effet, sous réserve de disposer d’outils puissants, d’une forte expertise métier et d’une méthodologie irréprochable, il est presque « simple » de mesurer les économies réalisées, et ce à la ligne d’expédition. Autrement dit, il existe un moyen clair, transparent et incontestable de calculer des économies concrètes. Le transport fait, à cet égard, figure de secteur idéal pour mener des projets au success fees.

Conseil numéro 5 : exigez de votre prestataire une rémunération sur la base d’économies réelles et constatées.