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Coûts du transport : remonter à la racine du problème

10 mai 2023 Xavier Villetard

Depuis la fin de la crise COVID, les prix du transport ont largement augmenté, dopés par les prix de l’énergie et une offre atrophiée par la pénurie de conducteurs notamment. Si la situation semble se détendre ces derniers mois, le sujet, plus large, des coûts de transport n’est pas résolu pour autant, loin de là.

Faisons déjà le point sur ce sujet. En 2022, les coûts du transport chez les chargeurs ont largement augmenté, généralement de plusieurs dizaines de %.

Les achats : un levier efficace mais insuffisant dans ce contexte 

Ordinairement, une envolée des coûts se résout avec un appel d’offres qui permet de faire baisser les tarifs en faisant jouer la concurrence. Est-ce toujours le cas ?

Bien sûr, les appels d’offres sont toujours un levier valide, certainement davantage maintenant qu’il y a un an étant donnée l’activité en berne !

Mais la démarche ne sera pas forcément gagnante et demeure assez risquée : il faut découper attentivement ses périmètres transport, sur certains segments ou certaines régions la capacité demeure saturée, etc. Les supply chains demeurent perturbées.

Nous avons consacré tout un article aux conditions nécessaires pour réussir son appel d’offres dans ce contexte, toujours est-il que la démarche est loin d’être aussi automatiquement gagnante auparavant.

Et, de fait, la hausse des coûts étant supérieure à la hausse des tarifs, toute la réponse au problème n’est pas là… Il va falloir se creuser un peu la tête !

Où chercher ?

L’usual suspect tarifaire étant (partiellement) hors de cause, est-il seulement possible d’agir pour réduire ses coûts de transport ?

Oui, et plusieurs de nos clients parviennent en ce moment même à réduire leur dépense en utilisant des leviers qui sont en fait bien connus des professionnels de la supply.

Tout d’abord, deux diagnostics.

Le premier, c’est que les supply chains ont été très perturbées par la séquence confinement / reprise de l’activité / Ukraine. De ce fait, de nombreux « bricolages » ont été mis en place par les entreprises afin de garantir le service dans ces conditions drastiquement changeantes et instables. Ces bricolages, où l’optimal a été sacrifié au vital, se sont pour beaucoup perpétués.

Le second diagnostic, plus structurel, a trait à l’organisation « juste à temps » des supply chains, où le transport, en tant que dernier maillon, doit s’adapter aux fortes contraintes qu’implique ce système en amont. Or, pour fonctionner, cette façon de voir le transport a besoin qu’il soit abordable et disponible : le transport, sous optimisé en aval, ne pèse pas lourd face aux économies de stockage et aux exigences des destinataires. Il faut bien dire que ce postulat n’est plus valable : le transport est en voie de raréfaction et renchérissement.

Dès lors, le recours à la livraison en urgence, les exigences de livraison 3, 4 voire 5 fois par semaine, la course à la livraison ultrarapide en B2C, entraînent des conséquences financières bien plus lourdes. C’est, chez beaucoup d’entreprises, ici que se situent d’importants gisements d’économies.

Les leviers permettant d’exploiter ces gisements sont bien connus : changer les méthodes de préparation pour optimiser le remplissage des véhicules, réduire les fréquences / augmenter le lead time pour mieux consolider les expéditions…

Des leviers trop longs à déployer ?

Ces leviers techniques sont particulièrement efficaces et peuvent amener d’importantes réductions de la dépense transport. Ils ont en revanche la réputation chez les professionnels de la supply chain d’être plus structurants, et donc plus longs à déployer. Or, les entreprises sont à la recherche de leviers à court-terme.

Bien entendu, si l’on parle de passer d’un modèle « juste-à-temps » à un modèle totalement différent laissant part belle au stock, il s’agit d’un chantier de plusieurs années minimum. Mais il est tout à fait possible de procéder par petits pas et de choisir des ajustements ciblés.

Beaucoup de ces leviers peuvent être mis en place rapidement (1 à 4 mois) et produire des résultats dans la foulée. D’autres, plus structurants, peuvent attendre.

Faire les bons constats

En revanche, il ne faut pas confondre quick wins et easy wins.

D’une part, identifier les bons leviers est loin d’être une tâche facile. Une bonne maîtrise de la donnée transport est clé : il faut une data consolidée, homogène, et ce pour chaque ligne d’expédition. C’est seulement à ce prix qu’un professionnel de la supply pourra naviguer et identifier là où la performance est dégradée (Au niveau d’un destinataire ? D’un département ? D’un site de départ ?). Cela facilitera l’enquête.

Il s’agit ensuite d’expliquer la non-performance. Les problèmes peuvent se situer en amont du transport (organisation des prises de commande, de l’entrepôt, de l’usine) comme en aval, au niveau des destinataires, qu’ils soient des clients « internes » ou externes, ou de leur exigence. Il faut cette capacité à investiguer en dehors du strict périmètre transport, tant en termes de data que d’expertise.

Les leviers techniques susceptibles d’avoir un effet important impliquent enfin de se poser un certain nombre de questions, de revisiter certains tabous et, parfois, d’aller négocier avec les clients de l’entreprise quant à leurs conditions de livraison.

En bref, c’est un sujet qui nécessite un peu de courage, mais que certains de nos clients ont déjà pris à bras le corps dans le cadre de missions que nous menons actuellement. Le transport n’est plus une commodité largement disponible à bas coût et cela implique de revoir la façon dont on conçoit son optimisation.